Les portraits inclusifs : Tiffany Mazars, Conférencière Handicap Invisible

Le portrait de Tiffany Mazars, Conférencière Handicap Invisible

Dans ce portrait, Tiffany nous partage son parcours inspirant en tant que conférencière et consultante sur le handicap invisible, la diversité et l’inclusion. Elle nous raconte son engagement, ses défis et sa volonté de transformer la vision du handicap dans le monde professionnel.

Le portrait inclusif de Tiffany Mazars, Conférencière Handicap Invisible


💬 Peux-tu te présenter en quelques mots et nous parler de ton parcours ?

Je m’appelle Tiffany Mazars, j’ai 31 ans, je suis maman solo d’une petite fille de 7 ans et d’un petit garçon de 5 ans et conférencière en France et à l’internationale sur le handicap invisible, la diversité & l’inclusion. Je aussi auteure et marraine de l’association « Un Rêve Un Sourire ». Quand ma maladie a commencé à l’âge de 15 ans, j’ai tout de suite comprit que j’étais en décalage avec le reste des jeunes de mon âge. Alors à 16 ans j’ai travaillé pendant les vacances scolaires et les dimanches matins, un réel exutoire que j’ai poursuivi en alternance ensuite. J’ai obtenu une RQTH mais mon employeur n’a pas souhaité adapter mon poste car, je cite il n’avait « pas envie ». J’ai ensuite vécu l’embauche pour le quota juste après car ils ne souhaitaient pas non plus apporter les adaptations. Ce n’est qu’à 24 ans, alors jeune maman et ayant une RQTH, que je subis la première fois la discrimination liée à l’emploi, étant au chômage pour la première fois, où malgré les compétences reconnues on ne souhaitait pas donner suite à mes candidatures. Force de créativité, plusieurs initiatives ont fait le buzz et ont développé ma notoriété. Cependant, aucune embauche en perspective je me retrouve face à un non-choix : devoir créer mon entreprise si je souhaite rester compétente et gagner en expérience.

Cela fera 5 ans en mars prochain que je suis auto-entrepreneur, dans une précarité financière énorme (je ne vis qu’avec l’AAH), étant mère célibataire, à devoir gérer mon état de santé et les coûts associés sans reconnaissance de ma maladie à ce jour.

Je reste déterminée à ce que la femme en France et dans le monde, qui cumule ces différentes casquettes associées au handicap, à l’activité professionnelle, à la parentalité puisse être reconnue et valorisée afin de s’épanouir et contribuer à un monde plus équitable.

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🔎 Comment décrirais-tu ton organisation/association/entreprise en quelques phrases ?

J’ai appelé mon entreprise « Ça Papote », car je souhaitais apporter une dimension humaine, informelle et à la fois sérieuse dans la profondeur des échanges réalisés. Une manière légère d’apporter une transformation importante. J’ai à coeur d’accompagner les entreprises dans leur raison d’être et d’agir, en ayant une vision holistique. Également consultante en communication et RSE, je mêle l’ensemble de mes compétences pour une construction durable avec l’ensemble des acteurs!

Donc quand j’interviens pour une « mission », attendez-vous à ce que ça déborde… D’énergie !

🧐 Quelles ont été les principales motivations derrière la création de ton organisation, et quelle est ta mission aujourd’hui ?

Ma première motivation était que je souhaitais être utile et « faire ma part », telle une Colibri, cet oiseau qui me suit partout dans ses valeurs, dans son activité, dans sa beauté, son amour du vivant. Alors, fidèle à sa représentation, j’essaie de moi aussi semer les graines, d’oser affirmer mes points de vue, et de contribuer au monde pour une meilleure inclusion, que je redéfinis d’ailleurs en permanence… ! En effet, j’ai décidé de créer un nouveau mot. Le mot inclusion vient du latin « in cluede » qui signifie enfermement ! Pour moi c’est totalement antinomique avec l’énergie qu’on souhaite lui accorder. Alors je me suis faite la réflexion du contraire d’enfermement. L’ouverture. Et le verbe qui donne un mouvement à cette ouverture : ouvrir. Et son latin : « aperir » et signifie : « enlever un obstacle à quelque chose, rendre quelque chose accessible »! BINGO ! Pour moi, c’est exactement ça qu’on cherche à faire! Alors j’ai créé le mot « apérision« , qui fait son bonhomme de chemin dans les couloirs de la langue française à l’heure où je vous parle… À suivre!

💡 Quelles approches et méthodes spécifiques utilises-tu pour sensibiliser au handicap ?

J’ai à coeur de parler d’humain à humain. Je ne parle pas avec des statuts, avec des étiquettes, avec des rôles: je parle à des personnes qui ont des valeurs, des histoires, des réussites, des apprentissages. Et je m’intéresse énormément à tout le monde pour pouvoir faire des liens, comprendre leur énergie, leur singularité, ce qui les fait vibrer. Ma méthode vient du coeur, ça peut paraître bateau dit comme ça, mais quand je constate l’impact que cela a dans les entreprises dans lesquelles j’interviens, je me dis que je suis sur le bon chemin : le miens. Celui d’éclairer ce monde du handicap, de l’inclusion, avec optimisme, positivité, et solutions.

🖇️ Comment évalues-tu l’impact de tes actions de sensibilisation sur le handicap ?

Aujourd’hui l’indicateur est souvent la transformation de mes interventions en dossier RQTH entrepris. Pour la SEEPH 2024, à chaque intervention au mois 1 dossier a été lancé. Mais il y a des indicateurs qualitatifs : cette envie de poursuivre ensemble pour aller plus loin, les impacts que cela a eu dans le coeur des gens et qui va évoluer en fonction de leur histoire. Ce n’est pas forcément mesurable à proprement parlé. Mais quand on sait que l’acceptation est LE levier du passage à l’action pour une meilleure inclusion, alors la patience, la bienveillance et la tolérance sont les indicateurs à suivre et à prendre soin pour que les effets de performance en entreprise soient présents.

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📂 Quels sont les projets ou évolutions à venir pour renforcer vos initiatives autour du handicap ?

En 2025 pour ma part, il y aura plein de beaux moments déjà prévus avec :

– Ma participation en tant que juré d’un concours du Ministère de la Culture

– Le défi de faire le Paris-Roubaix pour récolter des fonds pour la maladie de Charcot en avril

– La sortie de mon livre (début du deuxième semestre)

– Mon intégration au programme « Leadership des femmes en situation de handicap à l’internationale » de la fondation AHADI pour faire bouger les lignes

– Mon engagement en tant que partenaire expert auprès de la consultation citoyenne make.org pour l’inclusion et la diversité dans l’emploi

– L’accompagnement de l’association Un Rêve Un Sourire en qualité de marraine pour faire réaliser les rêves des enfants en situation de handicap

– Ma contribution à l’élaboration de design inclusifs aux côtés de l’Institut Français de la Mode

– Déjà plusieurs interventions prévues, des voyages à prévoir pour continuer à oeuvrer sur le plan international…

🤗 Y a-t-il une personne ou un événement qui a marqué ton parcours et influencé ton engagement pour le handicap ?

Le premier qui me vient c’est celui qui m’a connecté à ma vibration intérieure : la musique. J’avais deux ans, et je me souviens l’avoir entendu comme si il m’avait connecté à qui j’étais profondément. Cet homme : Andrea Bocceli ! Je n’ai su que plus tard qu’il était aveugle, et ça a été un détail tellement insignifiant pour moi, dans le sens où c’était pareil que de me dire qu’il était brun. Puis plus tard, quand j’ai compris que la société avait un « problème avec la différence », j’ai été tout de suite éprise d’un sentiment d’injustice. Mais cette dernière, j’ai surtout à coeur de la transformer plutôt que de rester dans un état de colère. Le fait d’être concernée depuis l’âge de 15 ans, m’a forcément beaucoup aidé à expérimenter cette injustice et ce qui se générait en moi : cette volonté permanente de trouver des solutions.

Alors j’oeuvre à mon humble niveau pour une société plus équitable !

🤔 Quels types de formations ou d’actions recommandes-tu aux entreprises qui souhaitent mieux inclure le handicap dans leur culture ?

Avant d’entamer la moindre formation : la sincérité. Si la démarche n’est pas foncièrement ancrée, partagée, souhaitée, et pleinement considérée pour l’impact positif que cela peut avoir : toutes les actions menées ne seront pas durables. Les formations, les actions de sensibilisations, les initiations, expositions artistiques, tables rondes, doivent faire l’objet d’une réelle politique de QVCT, entrer dans un plan d’action durable tout au long de l’année, et non seulement pour des SEEPH ou des journées mondiales. C’est une culture d’entreprise globale qui doit se concentrer sur ses valeurs, et les transformer dans chacune de leurs actions menées, à commencer par la politique recrutement, l’onboarding et la fidélisation des talents. C’est un travail de collaboration entre les services pour que chaque acteur de cette culture se sente investit et engagé. En respectant les besoins spécifiques de CHAQUE collaborateur (et non pas seulement des personnes en situation de handicap), on respecte simplement le vivant.

🧑🏫 Quelle est la plus grande leçon que tu as apprise depuis la création de ton organisation ?

Le respect n’est pas une chose acquise ! En tant que travailleur indépendante, on se retrouve souvent seule. Alors quand on cherche à créer sa place, on accepte un peu tout et surtout… N’importe quoi. Besoins financiers oblige, expérience et compétences à développer : tout est bon à prendre. FAUX ! Je ne me suis pas respectée en acceptant des missions qui ne me correspondaient pas, avec des entreprises aux antipodes de mes valeurs (alors qu’elles affichaient le contraire au départ), ce qui m’a conduit à une charge mentale et psychologique importantes et m’ont conduits à une alerte AVC puis un burnout.

J’ai pris conscience que je ne devais pas vivre pour travailler, mais travailler pour vivre.

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🦾 Quels changements aimerais-tu voir dans le domaine de la sensibilisation au handicap dans les prochaines années ?

Je ne pense pas à un changement, mais plutôt à inviter chaque personne à oser. Oser transmettre son parcours, ses messages, ses valeurs. Favoriser l’échange, le dialogue et ainsi entamer l’envie de construire ENSEMBLE le monde de demain. En libérant la parole, en valorisant l’estime de soi et la confiance en soi souvent malmenés par des croyances limitantes. Plus nous serons nombreux à exprimer la réalité mais surtout comment on peut la transformer positivement, plus la notion de handicap évoluera et ne sera plus considérée comme un frein, une « non capacité » d’être et d’agir dans notre société.

💼 Selon toi, quel est le plus grand frein à l’inclusion des personnes handicapées dans le monde professionnel aujourd’hui ?

Le regard de l’autre. Cette non tolérance de part des croyances limitantes comme « je vais perdre mon boulot si j’en parle » –  » je ne serai jamais capable de faire telle mission à cause de mon handicap » – « je dois toujours me justifier de mon handicap » de part cette vision que la société a du handicap crée une barrière de communication et de partage avec « l’autre ». Quand je dis l’autre, ce sont les collègues, le manager, mais aussi sa famille, ses amis, ses médecins, les inconnus dans la rue le gouvernement et ses actions… Tout est constamment vécu, et remis au travers du regard de l’autre. En prenant conscience que notre valeur n’est pas entre les mains d’autrui mais entre nos propres mains, que nous sommes capables de bien plus qu’on ne le croit (et je l’ai expérimenté plusieurs fois…!), le seul regard qui compte : c’est celui que l’on a dans le miroir dans la salle de bain !

🫶 Comment s’est faite ta rencontre avec AKTISEA ?

Par des connexions sur LinkedIn ! Nos convergences, nos envies d’agir en faveur d’une meilleure inclusion dans l’emploi nous permet d’agir ensemble pour avoir davantage de forces et d’impact.

🚀 Quel message ou conseil souhaiterais-tu transmettre aux Référents Handicap qui nous suivent ?

Merci. Merci pour votre engagement, merci pour votre volonté d’agir, de soutenir et de contribuer à cette société plus respectueuse de l’humain. Vous êtes des piliers de cette culture d’entreprise et de l’évolution de la vision de la société sur un monde plus équitable. Votre part est énorme, et je pense qu’il est important que vous aussi, vous preniez conscience de votre place, de votre pouvoir d’agir, malgré les embûches, les difficultés, les doutes. Vous êtes essentiels à la société que l’on veut construire : tolérante, juste, et pleine d’amour !

Merci Tiffany pour ce témoignage !